Le 7 septembre, le président de la République a annoncé la tenue (à une date encore non précisée) d’une “conférence sociale relative à la question des branches où la rémunération est inférieure au salaire minimum et sur l’évolution des salaires et des revenus”.
Dans un courrier au chef de l’État daté du 12 septembre, Marylise Léon salue cette initiative au nom de la CFDT mais tire le signal d’alarme.
« Depuis longtemps, la CFDT alerte sur la principale préoccupation des travailleurs et des travailleuses : le pouvoir d’achat et le versement de salaires qui permettent de vivre, en France, dignement de son travail, » rappelle la secrétaire générale. Tout en insistant sur la responsabilité première des employeurs et en martelant qu’« il n’est pas normal que des branches professionnelles affichent depuis plusieurs mois des salaires minima inférieurs au Smic », Marylise Léon pointe également la responsabilité de l’État employeur : « Il n’est pas normal que les agents des fonctions publiques voient leurs rémunérations érodées par l’absence de revalorisations sensibles depuis des années. »
Le “plancher collant” du Smic
Du fait des difficultés que rencontre le dialogue social dans de trop nombreuses branches et de la passivité des employeurs, « le Smic, salaire d’entrée dans la vie active, devient pour beaucoup de femmes et d’hommes un plancher collant auquel ils n’échappent pas malgré les changements d’échelon, témoignant de leur engagement professionnel ». Pire, précise depuis des années la CFDT, « lorsque le Smic évolue, le tassement des grilles rattrape les salariés et ne leur offre aucune perspective d’évolution salariale ». Et Marylise Léon d’insister sur les conséquences que cela entraîne: « un ressentiment, ou un découragement des travailleurs, mortifère pour des secteurs entiers qui disent souffrir d’un manque d’attractivité », y compris dans les fonctions publiques. Aussi, la CFDT demande que soit débattue, lors de la conférence sociale, la création d’une commission des bas salaires en remplacement du groupe des experts sur le Smic.
Responsabiliser les employeurs
Parallèlement, elle « demande […] qu’en l’absence de conformité des branches à la loi – qu’il s’agisse des salaires minima ou de la révision des systèmes de classification –, l’État puisse procéder à la suspension des exonérations de cotisations sociales ».
De même, la secrétaire générale de la CFDT souhaite que la conférence sociale traite « des moyens d’atteindre enfin une égalité salariale entre les femmes et les hommes, la diminution des temps partiels subis par trop de travailleurs et de travailleuses ».
Enfin, dernière demande de la CFDT : que l’État employeur lance « un chantier structurel important sur les rémunérations et les carrières dans les trois versants de la fonction publique pour rendre le système plus lisible et offrir des perspectives aux agents et aux contractuels ».
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Courrier de Marylise Léon au chef de l’Etat (12-09-23) :
Monsieur le Président,
Le 7 septembre dernier, dans une lettre aux responsables des partis politiques, vous annoncez l’organisation d’une « Conférence sociale relative à la question des branches où la rémunération est inférieure au salaire minimum et sur l’évolution des salaires et des revenus ». Nous saluons cette initiative.
Depuis longtemps, la CFDT alerte sur la principale préoccupation des travailleurs et des travailleuses ; le pouvoir d’achat et le versement de salaires qui permettent de vivre, en France, dignement de son travail.
Nos premières interpellations se sont adressées aux employeurs. Il n’est pas normal que des branches professionnelles affichent depuis plusieurs mois des salaires minima inférieurs au Smic. L’État employeur est également concerné. IL n’est pas normal que les agents des fonctions publiques voient leurs rémunérations érodées par l’absence de revalorisations sensibles depuis des années.
Ces situations sont le reflet des difficultés du dialogue social dans certains secteurs d’activité. Cela impacte directement les salariés soumis aux règles minimales de la convention collective, toutes celles et ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une représentation du personnel au plus près de leur collectif de travail. Le Smic, salaire d’entrée dans la vie active, devient pour beaucoup de femmes et d’hommes un plancher collant auquel ils n’échappent pas malgré les changements d’échelons, témoignant de leur engagement professionnel. Et lorsque le Smic évolue, c’est le tassement des grilles qui les rattrape et ne leur offre aucune perspective d’évolution salariale. Ce constat est partagé par les agents de la fonction publique.
Le ressentiment, ou le découragement des travailleurs, est mortifère pour des secteurs entiers qui disent souffrir d’un manque d’attractivité. Les inégalités criantes d’un secteur à l’autre renforcent ces mécaniques. Ces constats, il est urgent que nous les partagions pour construire des réponses pertinentes.
Les partenaires sociaux ont pris des engagements dans l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur signé en février dernier, en cours de transposition dans la loi. Il s’agit désormais de les respecter et d’employer les moyens de les faire respecter.
En effet, si la question salariale concerne avant tout les employeurs, l’État n’est pas impuissant pour autant. La CFDT demande par exemple qu’en l’absence de conformité des branches à la loi – qu’il s’agisse des salaires minima ou de la révision des systèmes de classification -, l’État puisse procéder à la suspension des exonérations de cotisations sociales. Ce type de mesures doit être débattu.
Nous demandons également que soient mis à l’ordre du jour de la conférence sociale, les moyens d’atteindre enfin une égalité salariale entre les femmes et les hommes, la diminution des temps partiels subis par trop de travailleurs et de travailleuses.
Et parce que le travail continuera d’évoluer, la CFDT propose également que soit débattue la création d’une commission des bas salaires, en remplacement du groupe des experts sur le Smic, pour traiter durablement ces questions.
L’État a entre ses mains un autre levier important pour agir sur la politique salariale du pays. En tant qu’employeur, il doit lancer un chantier structurel important sur les rémunérations et les carrières dans les trois versants de la fonction publique pour rendre le système plus lisible et offrir des perspectives aux agents et aux contractuels.
La conférence sociale, en réunissant autour d’une même table les organisations syndicales, les représentants du patronat et l’État, doit être à lia hauteur de ces attentes. Les travailleurs et les travailleuses ont exprimé le besoin de reconnaissance et l’exigence d’un meilleur partage de la richesse produite.
C’est dans cet esprit que la CFDT pourra s’engager dans la conférence sociale que la Première ministre et le ministre du Travail convoqueront prochainement à votre demande. En état combative et responsable. Combative pour répondre aux fortes attentes des travailleurs et des travailleuses. Responsable pour aboutir rapidement à des résultats concrets.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.
Marylise Léon
Secrétaire générale de la CFDT
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