L’existence de régimes de retraite spécifiques aux fonctionnaires, associée à une structure de rémunération particulière (traitement indiciaire et primes), a historiquement donné lieu à des règles de calcul différentes des pensions entre privé et public. Dans ses derniers travaux, le Conseil d’orientation des retraites–COR propose un état des lieux de la situation des retraités de la fonction publique.
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Une comparaison simple des règles des régimes en annuités des fonctionnaires et du régime de base des salariés du secteur privé est inopérante : la quasi-totalité de la pension des fonctionnaires provient du régime de la fonction publique de l’État ou de la CNRACL (caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) chargée de l’assurance vieillesse des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Une pension complète dans la fonction publique correspond à 75 % du dernier traitement indiciaire hors primes.
La pension d’un salarié du secteur privé ou d’un contractuel de la fonction publique est composée d’une pension de base (environ 75 % de sa pension totale pour un non-cadre mais moins de 50 % pour un cadre) calculée sur les 25 meilleures années et d’une pension complémentaire en points versée par l’Agirc-Arrco (salariés du privé) ou l’Ircantec (contractuels de la fonction publique).
Depuis 2003, les différentes réformes ont opéré un rapprochement des règles entre les régimes de la fonction publique et ceux des salariés, soit par des mesures spécifiques aux premiers pour les faire converger vers les seconds, soit par des mesures nouvelles prises dans les mêmes termes pour ces différents régimes :
Conditions de départ à la retraite au taux plein : âge d’ouverture des droits, âge d’annulation dès la décote et durée d’assurance nécessaire pour le taux plein sont maintenant identiques pour les salariés du secteur privé et les fonctionnaires sédentaires.
Les fonctionnaires en activités actives ou insalubres continuent cependant de bénéficier de dispositifs de départs anticipés.
De plus, dans la fonction publique, les durées d’assurance sont appréciées de date à date et ne sont pas reconstituées à partir d’un montant de cotisations versées (dans le privé 200 heures, mais 150 heures depuis la réforme de 2014, rémunérées au SMIC pour valider un trimestre au régime général).
S’agissant des dispositifs de solidarité, les régimes de la fonction publique, comme du secteur privé, valident des droits à retraite pour compenser des périodes d’interruption d’activité involontaire (maladie, maternité…) mais dans des conditions diverses :
Dans le privé, la maternité donne droit à 8 trimestres par enfant : 1 an pour accouchement et 1 an pour éducation partageable entre la mère et le père, contre 2 trimestres dans la fonction publique.
Dans les régimes de base des fonctionnaires et des salariés du privé, la pension est élevée à un minimum de pension (garanti pour la fonction publique et un minimum contributif pour le privé) dont les conditions requises pour en bénéficier ont en théorie été alignées depuis la réforme de 2010.
Les fonctionnaires en catégories actives ou insalubres continuent de bénéficier de dispositifs de départs anticipés. Cela représente une part importante des éléments de solidarité de la pension de droit propre. Enfin, la structure de financement de ces régimes est différente. Les régimes de la fonction publique sont principalement financés par cotisations, en partie parce qu’ils ne bénéficient pas d’apports externes pour financer leurs dispositifs de solidarité.
État des lieux des nouveaux pensionnés des 3 versants de la fonction publique en 2021. Les 4 millions de pensions de droit direct et dérivé versées au 31 décembre représentent un quart de l’ensemble des pensions versées. La plus grande part des pensions de droit direct concerne d’anciens fonctionnaires de l’État (61 %), le reste étant partagé à part quasi égale entre d’anciens fonctionnaires territoriaux (21 %) et hospitaliers (18 %).
La part plus importante d’anciens fonctionnaires de catégorie A parmi les titulaires de l’État retraités de droit direct et des carrières plus longues (les pensionnés de l’État ont validé davantage de trimestres, 139 contre 122 pour les hospitaliers et 111 pour les territoriaux) impliquent une pension moyenne plus importante (2 162 euros parmi les civils) que pour les anciens fonctionnaires hospitaliers (1 473 euros) ou territoriaux (1 301 euros).
Les anciens fonctionnaires de l’État sont les moins nombreux à bénéficier du minimum garanti, à l’inverse des deux cinquièmes des anciens fonctionnaires territoriaux (41,5 %).
Conséquences des différentes réformes des retraites. La réforme de 2003 a conduit à deux vagues de départs dans les fonctions territoriale et hospitalière, pour éviter l’application des nouvelles règles prévues à partir de janvier 2004 allongeant la durée de cotisation requise et la seconde entre 2004 et 2008 permise par la mise en place du dispositif de départ anticipé carrières longues. Depuis 2005, les cotisations pour les fonctionnaires à la RAFP (retraite additionnelle par points) sont obligatoires pour toute autre rémunération sur lesquelles ils ne cotisent pas au régime des pensions (primes, indemnités, avantages en nature) sur la base d’un maximum de 20 % de leur traitement. De même la fermeture du dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents d’au moins 3 enfants a provoqué une vague de départs en 2011. À l’inverse, le décalage de départ de 60 ans à 62 ans a limité l’afflux de nouveaux retraités.
Comparaison public/privé : si on simule l’application des règles du privé à plusieurs carrières types de fonctionnaires de l’État sur l’ensemble de la rémunération des fonctionnaires, en tenant compte des bénéficiaires des dispositifs de solidarité (minima de pension et majoration de durée d’assurance pour enfants) :
Les règles fonction publique pour les bénéficiaires des minima de pension sont plus favorables ou équivalentes pour les cas examinés.
L’application des règles du privé sont plus favorables aux femmes avec enfants.
En prenant 3 cas comme exemple, un agent sédentaire de catégorie B, un agent sédentaire de catégorie A à faible part de prime et un agent de catégorie A+ à part de prime élevée, l’application des règles du privé serait défavorable aux trois cas considérés :
Cela revient à comparer une situation où l’assuré perçoit une pension de retraite principalement calculée sur les 75 % de son traitement indiciaire des 6 derniers mois à une situation où il percevrait, non seulement une pension calculée sur les 50 % de ses 25 meilleures rémunérations (traitement intégré et primes) mais aussi une pension complémentaire dont l’assiette ne repose pas uniquement sur les primes mais sur l’ensemble de la rémunération.
L’impact de l’application des règles du privé sur les taux de remplacement varie selon le cas type considéré. Il est fortement dépendant du niveau des primes, les cas types ayant les taux de prime les plus faibles (soit le cas-type A) sont plus fortement pénalisés par les règles du privé.
La différence d’assiette entre le régime complémentaire du privé (AGIRC-ARRCO) et celle du RAFP génère des pensions plus élevées dans le privé qui viennent compenser la baisse de la pension de base par suite de l’application de la règle des 25 meilleures années pour le cas type B.
Pour les cas types A et A+ cette différence n’est pas suffisante et cela provoque une baisse du taux de remplacement.
Différence entre générations. L’application des règles du privé modifierait peu la génération 1958 pour les sédentaires de la fonction publique (+1,5 %). Les effets seraient très variables selon le type d’assuré : 62 % seraient gagnants, 32 % perdants, et 6 % verraient leur pension inchangée à +/-1% :
Ces résultats dépendent du profil de l’individu, de son administration (avec ou sans primes) et de sa carrière.
Concernant le salaire de référence, la prise en compte des primes (+7,6 %) serait plus que compensée par l’écrêtement au plafond de la sécurité sociale (-12,8 %).
Le calcul sur la base des 25 meilleures années serait légèrement plus favorable par suite du gel du point d’indice de la fonction publique en fin de carrière.
Les individus aux pensions les plus élevées seraient majoritairement perdants, car ils acquerraient leurs droits dans les régimes complémentaires moins généreux.
En revanche, les individus aux pensions des tranches intermédiaires seraient plus souvent gagnants.
Dans la fonction publique, la part des primes est déterminante. Le taux de remplacement diminue avec la part des primes. Pour les cas-types de la fonction publique territoriale (FPT), le taux de remplacement de l’agent de catégorie A est plus faible que celui des agents B et C, ce qui suggère que le système de retraite est plus favorable aux revenus modestes. En revanche, dans la fonction publique de l’État, à l’âge du taux plein, l’agent de catégorie A dispose d’un taux de remplacement supérieur à l’agent de catégorie B du fait de primes moindres alors que son niveau de rémunération est plus élevé.
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L’examen du taux de remplacement aboutit à des conclusions contradictoires selon que l’on considère des cas-types de la FPE ou de la FPT. Il ne permet pas de se prononcer sur le caractère redistributif ou non du système de retraite car il ne prend pas en compte ni le montant des contributions versées pendant la vie active, ni la durée de perception des retraites.
Mais globalement, le niveau d’une pension calculé selon les règles du privé ou du public est très semblable, légèrement supérieur de +1,5 % avec les règles du privé.
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