La septième séance de négociation retraites aura permis de valider une feuille de route paritaire. Un nouveau round de discussions va pouvoir commencer. Par ailleurs, le second rapport de la Cour des comptes conforte l’analyse de la CFDT quant à la nécessité de mesures en faveur des ouvriers, des femmes et des personnes ayant des soucis de santé.
Le travail était déjà bien entamé lors de la sixième séance de négociation, il s’est achevé à la septième séance. Le 10 avril, les partenaires sociaux ont en effet mis la touche finale à leur nouvelle feuille de route, laquelle va guider à présent leurs travaux jusqu’à la fin du mois de mai. Rappelons qu’il s’agissait de s’affranchir de la commande du Premier ministre ; en d’autres termes, reprendre la main sur le dossier des retraites afin de pouvoir avancer sereinement sans être parasités par des considérations politiques.
Dans un document relativement court, les partenaires sociaux ont ainsi posé les objectifs de cette négociation. Trois thématiques ressortent : la nécessité d’une réforme qui rétablisse l’équilibre financier du système, d’une réforme de la gouvernance du système et d’une réforme qui tiennent compte de la diversité des salariés et qui prévoient des mesures de solidarité. « Maintenant que nous avons cette nouvelle feuille de route, un nouveau cycle de discussion va pouvoir commencer », résume Yvan Ricordeau. Selon le secrétaire général adjoint de la CFDT, qui mène la délégation orange dans le cadre de cette négociation, il sera toujours aussi difficile de trouver un accord mais ce document a le mérite de bien circonscrire les enjeux.
Préserver le système de retraites par répartition
La CFDT est persuadée que le retour à l’équilibre du système constitue un élément fondamental en vue de préserver le système de retraites par répartition à moyen et long terme, tout comme elle pense qu’il est essentiel de pouvoir mieux piloter ledit système afin d’éviter les grandes réformes qui se succèdent sans apporter de solution satisfaisante – à l’image de celle de 2023, qui a été massivement rejetée par la population. Enfin, la CFDT se félicite que la feuille de route reconnaisse la nécessité de prendre des mesures concernant la pénibilité, de tenir compte de l’égalité femmes-hommes et de travailler sur le taux d’emploi des jeunes et des seniors.
Le second rapport de la Cour des comptes, commandé à l’occasion de cette négociation retraites, conforte d’ailleurs l’analyse faite par la CFDT. Consacré à l’impact du système de retraites sur la compétitivité et l’emploi, il met en évidence le besoin de nouvelles mesures d’équité face aux reports successifs de l’âge légal de départ.
Une donnée est particulièrement éloquente : le recul de l’âge de départ à la retraite à la suite de la réforme de 2010 n’a pas eu les mêmes conséquences pour les cadres et les ouvriers. Côté ouvriers, cela s’est traduit par un allongement de la durée en emploi pour 66 % d’entre eux, contre 85 % côté cadres. Autrement dit, beaucoup d’ouvriers se sont retrouvés dans une situation précaire, à savoir ni en emploi ni à la retraite. Et pour les femmes, il s’est produit une augmentation du temps partiel, notamment quand il s’est agi d’aider un proche.
Des mesures correctives tenant compte des réalités du travail
« Il me semble que travailler sur la différence de temps passée à la retraite entre les salariés est une piste à explorer », a souligné le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en présentant les conclusions de ce rapport, le 10 avril. « Nous nous attendions à un rapport très économique, nous avons été agréablement surpris, affirme Yvan Ricordeau. Le travail effectué par la Cour des comptes met parfaitement en évidence ce que défend la CFDT : la nécessité de prendre des mesures correctives pour tenir compte de la réalité du monde du travail. Il souligne également qu’il n’y a pas de mesure miracle, qu’il faudra agir sur différents paramètres, ne pas se limiter à l’âge de départ ou à la durée de cotisation. »
Les deux prochaines séances de négociation (les 17 et 23 avril) permettront justement de faire un pas de côté dans la réflexion. Elles seront consacrées au financement de la protection sociale en général, et pas uniquement au système de retraites. A voir ici le calendrier de travail amendé.
Une feuille de route à la main des partenaires sociaux
Après quinze jours d’interférences politiques, la délégation paritaire permanente est parvenue à reprendre la main sur le cadre des discussions, avec trois objectifs clairs. Le calendrier, lui, pourrait bien se détendre.
Un document d’objectifs finalisé mais non diffusé. En arrivant avenue de Ségur, le 4 avril, les partenaires sociaux avaient à cœur d’aboutir à un texte actant clairement que le cadre des discussions relatives aux retraites était relancé et à leur main. « Ce soir, on a notre feuille de route », se félicitait donc Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT. Choix a cependant été fait de laisser ce document dans les mains de la délégation paritaire permanente – le temps pour certaines organisations de faire valider ce texte par leurs instances.
Trois priorités y sont clairement énoncées, au premier rang desquelles figure l’équilibre financier comme un objectif incontournable. Selon la CFDT, « un système de retraite par répartition ne fonctionne qu’à l’équilibre sur du moyen terme, à défaut de quoi le contrat de confiance [en matière de solidarité intergénérationnelle] ne peut fonctionner », rappelait Yvan Ricordeau en fin de séance. Deuxième objectif : la nécessité de construire ou de redéfinir des mécanismes afin d’assurer l’évolution des systèmes de retraite, c’est-à-dire le pilotage du système. Troisième priorité : corriger les effets de la réforme de 2023 en rediscutant des paramètres d’âge et de durée, d’une part, et en améliorant les mécanismes de solidarité (pénibilité, emploi des seniors, égalité femmes-hommes…) d’autre part.
Première discussion au sujet des femmes
Sur ce dernier point, justement, la délégation paritaire permanente a abordé pour la première fois la question du droit des femmes dans les systèmes de retraite. « Une discussion approfondie sur état des lieux de l’ensemble des dispositifs qui permettent de prendre en compte les avantages familiaux et conjugaux », précise la délégation CFDT. Actuellement, ces dispositifs pèsent pour 17 % des dépenses globales de retraite. Or parce qu’ils se sont articulés au fur et à mesure des réformes, les faire évoluer est chose particulièrement complexe. D’après Yvan Ricordeau, « il faudra une réforme globale des systèmes de retraite pour avoir une refonte globale les avantages familiaux et conjugaux ».
Cette précaution mise à part, l’enjeu pour la CFDT est d’obtenir un dispositif clair améliorant les droits des femmes. Deux pistes pourraient être travaillées : la première consiste à faire en sorte que les majorations de trimestres – dont les effets ont été gommés par la dernière réforme – donnent droit à un avantage au moment du départ en retraite. La seconde vise à se servir de ces « majorations de durée » pour en faire des éléments d’amélioration des pensions (sous la forme d’une surcote additionnelle, par exemple). « Pour nous, il s’agit de jouer sur l’ouverture des droits ou sur le montant de la pension », précise Yvan Ricordeau… en laissant le choix à chaque femme en fonction de sa situation personnelle. Cette approche, qui semble partagée par la CFTC et la CFE-CGC, nécessite maintenant d’être chiffrée. Une prospection sur les mesures d’impact a été demandée en séance.
Un calendrier détendu ?
Les parties prenantes en conviennent : compte tenu du contexte, la date butoir du 28 mai pour finaliser les discussions paraît de plus en plus incertaine. Le calendrier des prochaines séances, lui, est en cours de réaménagement. Ne serait-ce que pour laisser aux différents organismes sollicités le temps d’effectuer les études d’impact demandées. Les discussions sur les avantages familiaux et conjugaux, typiquement, se poursuivront après avoir abordé la question du financement, sans doute à l’ordre du jour de la prochaine séance. D’ici là, la Cour des comptes aura remis son rapport concernant les effets de la réforme sur l’emploi et la compétitivité… De quoi rebattre les cartes ?